Devrions-nous simplement reconnaître que nous avons peur ?
La peur est un moteur puissant d’(in)action souvent invisible ou ignoré. Elle nous garde dans une vision du monde contrainte. Les conséquences sur nous, la société et l’environnement sont palpables. Apprendre à vivre avec elle est une voie, mais
Je suis persuadé que se l’avouer à soi-même et aux autres n’est pas une faiblesse, bien au contraire.
La peur au quotidien
En commençant par moi et en écoutant les personnes que je rencontre quotidiennement, je fais le constat que nombre d’entre nous semblent avancer dans la journée comme des pantins mus par les ficelles invisibles de la peur.
Peur d’échouer, de manquer d’un attribut jugé important, d’être dépassé ou abusé. Peur de mal paraître ou d’être licencié. Peur de briller ou crainte du regard des autres. Peur de revivre les émotions inconfortables ou traumatisantes d’un lointain passé.
Cette peur, nous en sommes parfois conscients et composons au mieux avec l’information qu’elle nous transmet.Cependant, bien souvent elle est remplacée, dissimulée par d’autres stratégies comme la négation, l’activité, le pouvoir… Stratégies qui permettent d’éviter de devoir y faire face.
Tant que la peur sera vue comme une faiblesse, ces stratégies perdureront.
Des répercussions à tous les niveaux
Ces peurs et les stratégies de son évitement ne sont pas sans conséquence sur nous-mêmes et les individus qui nous entourent.
Ce sont elles qui nous font nous accrocher à des mirages, disperser notre esprit pour éviter de percevoir l’expérience du moment, ressentie comme désagréable au mieux et souvent insupportable.Ce sont aussi ces peurs qui nous poussent à dominer, à écraser, à imposer aux autres nos idées, nos solutions et nos recettes toutes faites de succès passés.Ce sont encore elles qui nous poussent à acheter les recettes des autres sans s’arrêter une seule seconde pour vérifier ni l’origine ni les ingrédients qui les composent.
N’est-ce pas la crainte de l’incertitude qui nous conduit à imposer des processus absurdes et déjà obsolètes dans l’espoir de « contrôler » le prochain instant, le prochain budget, le prochain projet ? Ou celle de l’ignorance qui nous pousse à nous recroqueviller derrière nos illusions de certitude, de savoir ?Pour combien d’entre nous est-ce, au fond, la peur qui nous fait utiliser des cartes d’orientation comme des guides de destination ?
Je crois que trop souvent, la peur nous fait abandonner notre sens critique au profit de la chaleur réconfortante de la pensée anesthésiée du groupe endormi.
Accepter de l’apprivoiser
La première étape me semble être de l’ordre de la conscience de soi.Et si je mettais en doute mes motivations, au moins sur mes activités les plus importantes ?
J’ai découvert il y a longtemps que nombre de mes actions étaient fondamentalement guidées par la peur plus que par les nobles intentions que je véhiculais. Au point de croire moi-même au mirage !
Cette première étape de vérité intérieure mène à la suivante, celle d’accepter de ressentir cette peur. Les perceptions sensorielles étaient déjà là, mais les capteurs étaient inactivés ou réglés à un seuil de sensibilité inapproprié. L’information était évacuée.
Pour ma part, ça reste désagréable. Cependant, rendre cette peur objet, la sentir et d’une certaine manière l’apprivoiser me permet de la mettre en contexte et en doute.
Accepter de (re)considérer sa légitimité
Cette mise en contexte d’une peur et de la réaction automatique à celle-ci, forgée et sédimentée, nous invite à en interroger la légitimité ici et maintenant.
Ce que je fuyais à 6 ans, car je n’avais pas les clés pour le vivre sereinement, est-il toujours à fuir aujourd’hui ?Peut-être ! En partie ou dans certaines circonstances. Mais probablement plus de manière systématique.Je peux alors permettre à mon corps et mes réseaux neuronaux de se recalibrer pour vivre nombre de situations avec plus de sérénité, d’ouverture, de curiosité.
En ayant à la fois la conscience et un regard critique sur ma peur, je m’ouvre plus de stratégies, incluant celle de ne rien faire. Stratégie souvent insupportable jusqu’ici !
Ouvrir de nouveaux horizons
Lorsque je prends conscience des peurs qui me poussent, que je me les avoue et que je les avoue aux autres, j’ouvre la porte de la vulnérabilité et, il me semble, d’une profonde humanité.
Mais ne soyons pas naïfs, il reste un risque, parfois grand, notamment en milieu professionnel. [Cela est aussi vrai en milieu familial.]
Quand je reconnais que mon organisation agit guidée par une peur invisible, je peux le nommer, le rendre explicite. Je vous invite d’ailleurs à personnaliser ce qui se cache derrière « organisation ». Quelles sont les personnes qui font cette organisation ? Quelles sont les peurs de ces personnes qui sont indirectement imposées à toutes et tous ?
Lorsqu’une organisation utilise la peur comme stratégie de management, nous pouvons nous sentir paralysés. Il est souvent difficile de sortir de ce schéma. Parmi les différentes stratégies, celle de lister les raisons pour lesquelles je reste ou celle de demander de l’aide à des proches peuvent être une première piste.
La dénonciation est malheureusement difficile, voire inutile, dans ce type de contexte, la fuite, pour se protéger, reste bien souvent l’issue. Elle nécessite en général d’affronter d’autres peurs.
Pour résumer
Je fais souvent le constat que la peur est un moteur puissant de notre action et que bien souvent ce moteur reste invisible ou ignoré.Cela à des conséquences parfois graves sur nous, nos proches, notre société et notre environnement.Apprendre à vivre avec elle, à l’apprivoiser, est une voie vers l’ouverture et une vie apaisée et choisie. Mais ne soyons pas naïfs et sachons nous protéger lorsque nécessaire.
J’associe, à tort ou à raison, l’idée d’agir en étant guidé par l’envie plutôt que par la peur à l’idée de voir la vie avec l’état d’esprit de l’abondance plutôt que celui de la rareté.
Et vous, quels rapports entretenez-vous avec vos peurs ?