Générations de pensées
Différentes approches nous invitent à examiner la qualité de notre pensée au regard des générations futures. Réaliser que nos systèmes actuels sont tous des constructions humaines provoque le vertige, ébranle le sens de notre vie et encourage à
La semaine passée, je terminais mon article « Contribuer à une humanité florissante ? » par ces mots :
Toutes les règles, les systèmes dans lesquels nous opérons sont bâtis à partir de notre pensée, agrégés à différents moments, à différentes échelles, dans différents contextes de pouvoir.
De la qualité de notre pensée, de la qualité de notre conscience, dépend alors la qualité des règles et des systèmes qu’elles régulent.
Beaucoup de ce que nous tenons pour évident, immuable, n’est qu’une construction de la pensée d’humains. Ces « objets » ou « concepts » sont des « constructions mentales », la réification de pensées accumulées au cours de notre cheminement collectif.
À l’état brut, la Terre est une immense boule composée de strates de matières différentes, qui forme des paysages ou écosystèmes variés. Elle est occupée par des organismes qui, à différentes époques, ont atteint des états plus ou moins stables, une forme d’équilibre dans cet environnement. Parmi ces organismes, nous les humains.
Grâce à nos capacités d’observations, nous distinguons, différencions des éléments parfois nuancés. Et tellement reste indétectable.
Grâce à nos capacités de raisonnement, nous établissons des hypothèses, imaginons des théories pour tenter d’expliquer nos observations, structurons des savoirs, inventons des technologies, créons des structures sociétales, etc. Et, tellement reste à découvrir ou est faussé par notre raisonnement incomplet ou biaisé.
L’organisation de la société humaine actuelle est le résultat de l’accumulation des décisions prises dans le passé. Jour après jour, nous accordons une certaine légitimité aux idées de personnes, incluant nous-mêmes, et élaborons dessus de nouvelles idées.
Ces pensées d’humains ont créé les pays, les frontières, les lois, les idéologies politiques, économiques.
Souvent nous avons fini par les confondre avec des objets « réels ».
Un pays, un gouvernement, une organisation n’ont pas d’existence propre.
Ils ne sont autres que l’accord entre humains de respecter des conventions. Je veux dire par là que, si vous prenez quelqu’un qui arrive sur terre sans aucune connaissance de ces conventions, il n’a pas de moyens d’en détecter l’existence. Il n’en verra que des artefacts.
OK ! C’est bien joli tout ça ! Mais quel est le rapport avec Se Regarder Voir ou la qualité de conscience ?
Contribuer de façon générative n’est pas si simple
Développer de façon générative des capacités génératives nécessite, selon moi, de devenir conscient de « ce dans quoi nous sommes immergés » et qui est issu de notre pensée, de nos conventions.
Alors, nous avons une chance de déceler nos schèmes d’interprétation et notre contribution.
Enfin, nous pouvons exercer nos capacités à mesure que nous les développons dans l’espoir de la générativité recherchée.
J’ai grandi dans un contexte incluant ma famille et son histoire, dans un bourg de commune rurale, « dans » la religion catholique, le capitalisme, la culture bretonne, la science…
Pendant longtemps beaucoup de choses me semblaient être un simple état de fait, normales, partagées par tous les humains. L’eau dans laquelle nage le poisson et dont il n’a pas conscience.
À mesure que je me suis ouvert et continue de m’ouvrir à l’immensité de mon ignorance, je réalise à quel point tous ces concepts « réels » à mes yeux ne sont que des constructions, des conventions. Je peux choisir de les respecter, d’en réinterpréter le sens ou de les transformer.
Il devient alors intéressant pour moi d’observer, en conscience, comment l’évolution de mon rapport à ces évidences du passé change ma compréhension du monde, mes actions, mes relations aux personnes et aux éléments.
Je ne suis plus, comme tant d’autres, en mesure de donner le même sens à mon expérience. Aborder chaque instant en m’ouvrant à mon ignorance, tout en tenant avec une ferme légèreté tout ce qui m’a construit bouleverse le sens et l’expérience.
J’ai toujours le même besoin de réduire l’ambiguïté. Ne pas savoir est inconfortable. J’ai des peurs ou des envies qui induisent des comportements.
J’ai toujours accès au même référentiel, mais le sens que j’en tire n’est plus le même. Et certaines fondations se sont écroulées, rendant parfois l’édifice instable, en attendant sa reconfiguration.
Il est alors réconfortant de tenter de retourner aux certitudes du passé. En vain !
La méditation, le soutien de mes proches, la lecture, la philo, les rencontres, les activités simples de la vie sont mes façons de naviguer dans ces moments. Je reste très curieux des approches d’autres personnes.
Contribuer de façon générative n’est pas si simple, et pourtant tout cela se résume à : VIVRE !
Le principe des 7 générations
Seven generation stewardship is a concept that urges the current generation of humans to live and work for the benefit of the seventh generation into the future. Wikipedia Seven generation sustainability
Vivre. Respirer, boire, manger, dormir. Être en interdépendance dans une forme d’homéostasie avec notre milieu.
Et là apparaissent les questions.
Comment, compte tenu de ce que nous savons aujourd’hui, continuer à faire du sens des constructions de la pensée comme :
La croissance économique
Les événements «
sportifs» (spectacles)La notion de « ressources naturelles »
Les idéologies discriminantes
Compte tenu de ce que l’on sait aujourd’hui, pourquoi continuer à enseigner ou diriger de la même façon ?
Interroger ne signifie pas vouloir détruire, mais vouloir comprendre.
Reconsidérer nos « systèmes » en conscientisant qu’ils sont le pur fruit de notre pensée implique que nous avons la capacité de les changer. Ça me semble une intention constructive lorsque la qualité de la pensée est évaluée dans l’instant et en continu.
C’est en explorant cela que j’ai découvert récemment différentes approches qui semblent toutes pointer à un « phénomène », ou un ensemble de phénomènes ayant une certaine similarité.
Ils semblent tous nous inviter à œuvrer, à chaque instant, investis de l’intention d’une humanité florissante dans un avenir lointain.
Quelques-uns de ces « outils » sont les suivants :
Le principe des 7 générations attribué à la nation Iroquoise, qui vise à considérer les conséquences pour les 7 prochaines générations de chacun de nos choix.
Le long-termisme ¹, « position éthique qui donne la priorité à l’amélioration de l’avenir à long terme ».
La salutogenèse², « concept développé par le sociologue médical Aaron Antonovsky qui désigne une approche se concentrant sur les facteurs favorisant la santé et le bien-être (physique, mental, social, etc.), plutôt que d’étudier les causes des maladies (pathogenèse) ».
Apithology ³, « a discipline of inquiry. Apithology is the discipline that studies the generative causes of health and wellness in living systems. »
Comme je disais la semaine passée en conclusion :
Je crois que :
Nous ne pouvons
pasplus faire l’économie de questionner la qualité de notre pensée, en nous efforçant de le faire à différentes échelles.
Ça doit se faire à plusieurs avec une forme d’ouverture sincère pour permettre l’émergence des bonnes questions.
Nous devons être en mesure de nous soutenir collectivement pour déployer les forces de passage à l’acte et le courage qui va avec.
Je rajouterai cette semaine que je dois apprendre, avec l’ensemble des humains, à voir ma vie quotidienne comme une contribution aux générations futures.
Examiner chaque pensée et action au regard des conséquences pour les arrière-petits-enfants de mes arrière-petits-enfants.
Pour moi, la marche est haute et m’impose de m’interroger en toute humilité : « Qu’est-ce qui me tient profondément à cœur, bien au-delà de ma propre personne ? Que suis-je prêt à consacrer à cette cause ? »
Avec ce que je vois et interprète de l’état du monde, je me dis que nous avons individuellement et collectivement du chemin à faire.
Pour résumer :
Beaucoup d’« objets » devenus évidents dans notre vie quotidienne sont des réifications de notre pensée, et pourtant nous les traitons comme étant réels et immuables.
M’ouvrir à l’immensité de mon ignorance et à la détection de ces construits est vertigineux, déstabilisateur et porteur d’un gigantesque espoir. Les choses ne sont pas figées.
Différentes approches s’intéressent de très près à l’idée de vivre notre quotidien et nos choix pleinement responsables de favoriser le potentiel de la vie dans un lointain futur.
Et vous, qu’est-ce qui change dans votre vie lorsque vous prenez le temps d’examiner la qualité de votre pensée au regard des 7 prochaines générations ?
Références :