Activement patient !
Je constate qu’être activement patient est bien différent de ne rien faire et que notre intention, nos peurs, notre qualité de conscience sont les clés. Le calme permet de bénéficier de notre potentiel humain. Une seule personne suffit pour engage
Une conjonction de mots qui, pour beaucoup de personnes, relève de l’absurdité.
« Tremeur, ce n’est pas en ne faisant rien que les choses vont aller mieux ! »
« Tremeur, je n’ai pas vraiment le temps ou le luxe de ne rien faire ! »
Ce sont des réponses régulières à mes invitations à la patience active.
J’essaie de comprendre quelle interprétation la personne fait de ces deux mots réunis.
De mon côté, je porte la croyance, alimentée d’expériences, qu’être activement patient est très différent de : « ne rien faire ! ».
Être activement patient c’est, de façon active, consciente et intentionnelle, sentir, écouter, observer, analyser et savoir attendre le moment opportun pour engager un prochain geste approprié.
Ne rien faire de façon active, consciente et intentionnelle, c’est justement faire quelque chose.
Et, ce quelque chose, consiste à prendre conscience de soi et des autres, percevoir son environnement puis agir avec discernement au moment approprié. C’est développer une autre relation au temps.
Pour beaucoup d’entre nous, ce n’est pas dans nos habitudes ; c’est même contre-intuitif dans certaines situations tempêtueuses.
La surréactivité
Nous sommes entrainés à la rapidité et à la réactivité depuis notre plus jeune âge.
Par exemple, je suis de ceux qui avaient une ardoise à la craie sur laquelle nous inscrivions le plus rapidement possible le résultat du calcul mental énoncé par l’enseignant avant de lever joyeusement (ou pas) l’ardoise à bout de bras.
Mais je n’avais pas de cours de méditation ou de toute autre forme de conscience active d’une quelconque forme d’inactivité physique évidente. J’ai appris aller vite, pas à développer ma patience.
Aujourd’hui, l’entrainement est à base de notification, d’email à répondre dans l’heure, d’heures supplémentaires ou de gestion de crise… vous savez les task forces.
Combien de fois cette semaine avez-vous entendu une phrase ressemblant à :
« Je dois vraiment prendre cet appel, c’est mon boss ! »
Les décisions d’hier, prises dans la précipitation, dans la surréaction, sont les incendies du jour qui me demandent de réagir à nouveau. Un cercle vicieux, une spirale sans fin.
Si finalement je prends le temps de débriefer la situation, je m’aperçois bien souvent que beaucoup de décisions ou d’actions auraient pu attendre quelques heures ou quelques jours, et que celles-ci auraient alors été bien différentes.
Lorsque je médite ou que je fais une marche du temps profond, je peux me rendre compte que l’absurde n’est pas cette conjonction de mots, mais bien l’urgence autogénérée d’une très grande partie de mes comportements.
L’absurde est le rapport au temps déformé que j’entretiens.
Les sources de cette surréactivité
J’ai l’impression que cette surréactivité provient d’injonctions souvent implicites et qui prennent plusieurs formes.
La peur consciente ou inconsciente de vivre certaines conséquences imaginées, par exemple :
Si je ne m’inquiète pas, ou ne réagis pas, je ne suis pas engagé ou je ne suis pas un leader.
Si je ne fais rien, je ne suis rien ou je ne sers à rien.
Si je ne réponds pas à mon manageur dans la minute, je serai licencié.
Etc.
Nous sommes le plus souvent guidés par nos peurs et je crois qu’un premier pas serait de le reconnaître.
Ces injonctions implicites sont aussi alimentées par des intentions souvent inconscientes et qui se cachent parfois derrière « Il faut que… ».
Il faut que je réponde rapidement -> je dois faire figure de bon élève.
Il faut que je trouve une réponse avant mes collègues -> je veux être promu.
Il faut que je publie les photos de mon repas sur Insta -> je veux faire partie de la communauté.
Ces intentions non conscientisées ou parfois refoulées orientent notre attention et notre action. La patience active intentionnelle enclenche une autre forme d’attention et des résultats nouveaux.
Dans les moments tumultueux, mon attention contrainte, réduite ou dispersée me conduit à considérer peu d’éléments, à confondre faits et émotions, à utiliser une expansion temporelle limitée, à faire des liens de cause à effet fantaisistes ou à laisser une forme d’expression de mon égo peu générative emplir l’espace.
Je configure alors le tout en une seule histoire parfois simpliste à laquelle je m’attache. J’agis à partir d’une qualité de conscience restreinte.
Je suis curieux de lire en commentaire les autres sources que vous identifiez.
Me hâter d’être patient
Je vous invite à la pratique suivante lorsque vous détectez être en surrégime. Pour une première fois, prenez un moment pour vivre calmement la pratique en faisant une pause à chaque étape au cours de la lecture ou de l’écoute de ce texte. Vous pouvez aussi y revenir plus tard.
🤸 1 - Sentir son corps — portez attention à l’ensemble de votre corps comme si vous passiez dans un scanner.
2 - Prendre conscience de sa respiration — concentrez-vous sur votre respiration et vos battements cardiaques.
3- Ajuster sa respiration — prenez de profondes et amples respirations pour apporter le calme.
4- Clarifier ce qui se passe vraiment — prenez différents points de vue, imaginez plusieurs histoires, reconnaissez vos préférences, faites des liens.
5 - Explorer différentes solutions — et agir, si cela est encore nécessaire !
L’impact sur notre système nerveux
Dans leur livre « Unleash your complexity genius », Jennifer Garvey-Berger et Carolyn Coughlin expliquent l’impact de la complexité lorsque nous la laissons nous submerger. Elles donnent aussi de nombreuses pistes pour en sortir. Le schéma ci-dessous est extrait de ce livre.
Rester en permanence dans la surréactivité ou sous haute intensité maintient tout notre corps sous stress, sur de très longues périodes. Cela empêche notre corps et en particulier notre cerveau de fonctionner à son plein potentiel pour aborder la situation.
À long terme, on peut voir apparaître différentes maladies ou manifestations nocives à la santé liées à ce stress.
Certes, c’est contre-intuitif, mais plus la tension monte, plus nous devrions prendre notre temps, relaxer notre système nerveux, pour permettre à notre corps, incluant notre cerveau, de profiter de tout son potentiel d’analyse, de créativité et de décision.
L’impact sur la pertinence de nos actions
Lorsque nous activons le système nerveux sympathique (stress) ou que nous ne prenons pas une posture activement patiente, nous engendrons les conditions suivantes menant à :
Des actions à court terme, générant souvent elles-mêmes beaucoup d’agitation, car nos capacités de discernement spatiales et temporelles sont affectées.
Des tentatives de contrôler des choses pour lesquelles nous n’avons pas le contrôle, car nous avons de la difficulté à nous détacher de la situation, nous y sommes immergés.
Des actions sur les symptômes plutôt que les causes profondes, car nous prenons en considération trop peu d’éléments, uniquement les plus évidents, et nous créons des relations de cause à effet linéaires et séquentielles simplistes.
De la fatigue, de la frustration ou des tensions, car nous accumulons le stress, ne permettant pas à notre système de revenir à la normale. Nous fonctionnons en surrégime en mode résolution de problème plutôt qu’en mode créateur de résultat et de valeur à long terme.
Lorsque nous persévérons à refuser d’être activement patients, nous engendrons les conditions permanentes de décisions et d’actions non pertinentes, voire dégénératives.
À l’échelle d’un système, cela impacte toutes les personnes présentes, directement ou indirectement impliquées.
Une seule personne suffit
Lorsque dans un groupe, même une seule personne prend du recul et interroge l’ensemble des participants, cela à des conséquences bénéfiques.
Certes, elle est parfois ignorée et nous passons outre ses recommandations, mais son influence existe, elle a ralenti le flow de quelques secondes, de quelques heures ou de quelques jours.
À plusieurs, nous pouvons nous entraider et nous soutenir mutuellement à accepter l’inconfort initial de nous accorder consciemment du temps dans la tempête. C’est alors que la dynamique change.
J’ai pris conscience il y a longtemps que je ne peux pas attendre que cette dynamique vienne des autres et qu’ils en assument la responsabilité.
Cette prise de conscience ne rend pas les choses plus faciles.
Mais je suis certain que ça commence par moi.
Alors je m’entraine à m’accorder le temps de la patience active, et j’invite ceux qui le souhaitent à y participer.
Je vous attends pour pratiquer ensemble, Se Regarder Voir… et se voir regarder 😉.
Pour résumer.
Être activement patient est radicalement différent de ne rien faire.
Notre intention, nos peurs, notre qualité de conscience sont les clés.
Cela contribue à bénéficier de tout notre potentiel humain.
Une seule personne suffit et ça commence par moi.
Tout comme on peut entrainer ses réflexes, on peut s’entrainer à être activement patient.
Quel est votre entrainement ?
Quelles différences cela fait-il sur la soutenabilité de vos accomplissements ?