Raisonnable, Respectueuse, Responsable (Partie 1)
Avec 3 axes délimitant 8 espaces dynamiques nuancés je saisis mieux les potentialités d’une économie écologique générativiste. Je peux m’ouvrir au phénomène que j’explore comme un système dynamique émergent plutôt qu’une vérité à ce
Il y a deux semaines, dans Face aux évidences que je ne sais pas résoudre, je m’interrogeais :
Comment déconstruire ce à quoi nous sommes parvenus, tout en construisant une nouvelle forme respectueuse à une plus grande échelle, avec plus de critères pris en compte ? Quels conforts et privilèges suis-je prêt à rendre ou abandonner ?
Je venais de terminer la lecture du livre de Timothée Parrique. Cette lecture m’a touché, et au moment d’écrire l’article j’étais encore dans une sorte de digestion.
Avec le recul, je constate que j’étais dans une forme de tentative de soulager les symptômes du mal-être que je vivais face à ce qui se révélait une évidence (telle que je l’interprétais).
Le sujet est resté présent à ma pensée, j’ai d’ailleurs aussi lu le livre de Jason Hickel : « Moins pour plus », sur le même thème. Tout aussi intéressant.
Ce qui change aujourd’hui ?
Une fois passée la phase qui pourrait s’apparenter à une forme de désespoir, phase dans laquelle je cherchais plus ou moins consciemment (plutôt moins d’ailleurs) à soulager mes symptômes, voire restaurer mon bien-être, j’ai choisi d’explorer le sujet avec une approche plus positive et générative.
Peut-être est-il temps de partager une approche que je trouve très puissante et qui supporte mon enquête avec une intention favorisant un futur épanoui et en santé en tant qu’écosystème planétaire.
Une fois cet exercice terminé, je n’ai pas encore d’action concrète miraculeuse. Mais ! J’ai une matrice dynamique qui soutient la pratique de Se Regarder Voir et se voir regarder, appliqué ici au « phénomène » que j’ai labellisé : « économie écologique générativiste ».
La longueur de l’article qui a pris forme m’a conduit à le découper en 2 parties. La première, présente plus spécifiquement l’approche, la seconde, sera publiée dans 2 semaines et elle est axée sur l’utilisation, les apprentissages et les bénéfices que j’en ai retirés.
De « noir ou blanc » à 8 espaces dynamiques nuancés
L’approche évoquée a été initialement proposée par Ernst Friedrich Schumacher dans « Small is beautiful » [¹], faisant référence à un besoin de nuance sémantique pour mieux se comprendre.
Dr Will Varey [²] reprend et enrichit l’approche pour nous proposer d’explorer selon 3 dimensions orthogonales, expression du phénomène observé, qui s’étendent graduellement vers l’infini depuis leur centre.
Chaque axe pris séparément possède un centre relatif et représente un gradient de présence et d’absence d’une qualité définissant le sujet d’intérêt. Pour chaque personne, et à des moments différents, le centre peut varier sur le gradient.
Un point, une idée, une pensée peut donc être localisée pour chaque personne, à chaque instant, dans son propre repère, par des coordonnées du type (présence, absence, présence).
Le tout forme 8 espaces, 8 scénarii différents pour le phénomène pris en considération.
L’approche présentée utilise 3 dimensions « génériques » : cohérence, orientation et intégration ; définissant une conception et qui sont contextualisées au phénomène observé.
Mon but très personnel est d’essayer de donner plus d’espace à ma pensée et de m’ouvrir à un potentiel futur plus large que « tout est foutu » !
Dans mon cas, pour chaque dimension générique, j’ai choisi les mots :
Harmonieux et Dissonant ; qui représentent dans ce contexte l’alignement ou la déconnexion entre les croyances, les entités considérées, les actions et les résultats dans le système économique.
Synergique et Dominant ; qui, ici, représentent l’approche ou l’attitude envers les interactions entre les entités de l’économie.
Participatif et Isolé ; qui, pour ce sujet, reflètent le degré auquel différents éléments, parties prenantes et impacts s’impliquent dans le système économique.
Plus spécifiquement :
« Harmonieux » reflète un système où les croyances, les théories, les actions et les résultats se composent pour créer un sentiment d’unité et de congruence. Par exemple, dans une économie écologique générativiste harmonieuse, les pratiques et les politiques sont en accord avec une vision du monde fondée sur l’interconnexion, le respect de tous les êtres, et le caractère sacré de la nature.
« Dissonant » signifie un manque d’alignement ou de congruité entre les éléments. Par exemple, un système dissonant peut adhérer à la même vision du monde, mais ses pratiques économiques peuvent encore exploiter ou dégrader l’environnement, créant une déconnexion entre l’intention et la pratique.
« Synergique » représente une orientation où toutes les entités (humaines, non-humaines et éléments naturels) interagissent de manière à bénéficier à l’ensemble, amplifiant les contributions de chacun et favorisant l’équilibre et la résilience.
« Dominant » représente une orientation où certaines entités cherchent à contrôler, supprimer, ou exploiter les autres pour leur propre bénéfice.
« Participatif » représente un haut niveau d’intégration. Dans une économie écologique générativiste participative, tous les êtres (humains et non-humains) sont des participants actifs, contribuant et bénéficiant à la santé et à la richesse du système.
« Isolé » représente un faible niveau d’intégration. Dans un système isolé, certains êtres sont marginalisés, ignorés ou exploités, et leurs contributions et besoins ne sont pas valorisés ou reconnus.
Bien entendu le choix des mots est loin d’être parfait, c’est un travail en cours pour moi. Il ne reflète que mes interprétations, croyances et idées. Une version intrinsèquement limitée du phénomène que j’observe.
L’exercice prend tout son intérêt dans un collectif, afin de s’approcher d’une compréhension partagée explicite qui favorise la mise en action engagée et une contribution réciproque générative.
Huit espaces pour me découvrir et explorer les potentialités
Dans le cas présent, après les lectures des semaines passées, plutôt que la décroissance, j’ai considéré l’idée d’économie écologique générativiste.
Le tableau suivant représente les dynamiques résultantes des 8 combinaisons possibles :
Forme Cohérence Orientation Intégration Résultante A. Harmonieuse Synergique Participative Économie Vivante B. Harmonieuse Synergique Isolée Synergies Isolées C. Harmonieuse Dominante Participative Harmonie Imposée D. Dissonante Synergique Participative Symbiose Désirée E. Dissonante Dominante Participative Participation Contrainte F. Dissonante Synergique Isolée Potentiel Inaccompli G. Harmonieuse Dominante Isolée Isolation Contrôlée H. Dissonante Dominante Isolée Dominance Déconnectée
Dans un premier temps je me suis amusé à nommer et décrire succinctement la résultante de chaque combinaison.
Dans un collectif, nous aurions besoin de passer un peu de temps pour que chaque espace reflète une dynamique entre les 3 dimensions qui parle à chaque personne impliquée. Voici le résultat brut de ma réflexion :
Économie Vivante : Tous les éléments de l’économie sont en harmonie, participant de manière synergique. Cette économie incarne pleinement une philosophie d’interdépendance, tous les éléments étant valorisés et contribuant.
Synergies Isolées : Il existe des relations harmonieuses et synergiques au sein de l’économie, mais elles sont isolées et non généralisées. Le plein potentiel du système participatif et harmonieux n’est pas encore réalisé.
Harmonie Imposée : L’économie semble harmonieuse, mais cela est dû à la dominance plutôt qu’à une véritable participation synergique. Le système peut être superficiellement stable, mais manque de l’interconnexion profonde d’un véritable système interdépendant.
Symbiose Désirée : L’économie s’efforce d’obtenir un système synergique et participatif, mais il existe encore des discordances. Cependant, l’intention et l’effort vers une économie plus interdépendante sont évidents.
Participation Contrainte : Il y a un effort pour inclure tous les éléments de l’économie, mais les relations sont encore dominées et dissonantes.
Potentiel Inaccompli : Il existe des opportunités pour des relations synergiques, mais le manque de participation et la discordance existante empêchent la réalisation de ces possibilités.
Isolation Contrôlée : Cela représente une économie où l’harmonie est maintenue par la dominance et l’isolement, et non par une véritable interconnexion.
Dominance Déconnectée : Toute l’économie est dissonante, dominée et isolée. C’est le plus éloigné d’une philosophie d’interdépendance.
Grâce à cela, j’ai pris conscience que la dimension « Orientation » : Synergique — Dominant ; est l’axe principal que me confinait dans une vision bipolaire « bien ou mal » telle que celle que j’ai partagée il y a 2 semaines.
Cela résonne avec la dynamique de domination intrinsèque au capitalisme selon ce que j’ai compris des ouvrages de Timothée Parrique et Jason Hickel.
Sur les plans somatique et émotionnel, je sens une forme de libération, un espace se crée en moi. Je sens cette libération me rendre plus curieux et me donner plus d’espoir. Le fait de considérer 8 nuances possibles me donne accès à des espaces dans lesquels je peux agir, sans chercher un absolu fixe.
Passer d’un axe polarisant et exclusif à 3 axes délimitant 8 nuances dynamiques à propos d’un sujet qui me touche me permet de mieux le saisir. En groupe, cela permet de sortir des débats stériles, il n’y a plus 2 camps, mais 8 espaces de potentiels.
Je peux m’ouvrir aux potentiels du phénomène que j’apprends à explorer comme un système dynamique émergent plutôt qu’une vérité à cerner ou à défendre.
Pour résumer
Je me sens concerné par notre avenir et je ne souhaite pas m’enfermer simplement dans une dynamique de remédiation bipolarisée.
Une exploration multidimensionnelle des potentiels crée de l’espace, enrichit la conversation et permet d’ajouter des nuances permettant une approche qui m’apparait plus respectueuse.
Cette matrice (et le cube tridimensionnel qui peut l’illustrer) aussi subjective et imparfaite puisse-t-elle être mérite d’être créée et utiliser dans un collectif pour favoriser un dialogue riche et profond sur des sujets d’importance.
Références :
[¹] : Ernst Friedrich Schumacher (1973). Small is beautiful. A Machine to Foretell the Future? (Lecture delivered at the First British Conference on Social and Economic Effects of Automation, Harroga June 1961.)
[²] : Je m’inspire de la notion de conception telle que proposée dans la thèse de doctorat de Dr William Varey ainsi que sa mise en exemple dans la publication suivante :
[Varey, William](https://researchrepository.murdoch.edu.au/view/author/Varey, William.html) (2012). Abductive theory for Thought-Ecologies: Depicting systems of conceptions. PhD thesis, Murdoch University.
Varey, W. (2017). Apithology of Humanity Psychology: Humanity as a Generative System. Proceedings of the 59th Annual Meeting of the ISSS - 2015 Berlin, Germany, 1(1). Retrieved from https://journals.isss.org/index.php/proceedings59th/article/view/2567